Mars Exploration Rover (MER)

Dernière info : Lancement réussi de 'Opportunity' le 8 juillet 2003. Les deux rovers atteindront Mars début 2004.

MER existe depuis longtemps dans les cartons de la NASA et son histoire est déjà quelque peu mouvementée. Ce rover devait initialement partir vers la planète rouge en 2001 pour arpenter sa surface et commencer une collecte d'échantillons de roches et de sols. Un autre robot du même gabarit devait venir le rejoindre en 2003 pour continuer le travail. La précieuse récolte aurait été mise à l'abri en attendant qu'un troisième robot vienne la récupérer en 2005 pour la placer dans une fusée qui aurait finalement pris la direction de la Terre.

Ce concept proposé dans le cadre d'une mission de retour d'échantillons a finalement été abandonné, en partie parce qu'il nécessitait un atterrissage de précision hors de portée de nos capacités techniques actuelles. La fusée de retour et son robot collecteur devait effectivement atterrir au voisinage immédiat des petits tas de cailloux érigés par MER et son collège. De plus, MER coûtait bien trop cher pour le petit budget alloué à la mission Mars Surveyor 2001. Enfin, du point de vue des ingénieurs, de nombreux challenges techniques restaient à relever (mise au point de batteries par exemple), et un départ en 2001 était précipité.

Pour 2001, l'ambitieux MER fut donc mis au placard pour être remplacé par une version plus modeste, une simple copie carbone du robot Sojourner. Baptisé Marie Curie, ce dernier ne fera pas long feu : sa mission sera annulée en même temps que celle de l'atterrisseur de Mars Surveyor 2001.

Allant de déception en déception, la patience de l'équipe du MER aura finalement porté ses fruits. Après avoir accompli brillamment plusieurs tests sur le terrain (par l'intermédiaire d'un prototype portant le nom évocateur de FIDO), MER va bel et bel connaître le sol martien, certes avec quelques années de retard. Mais mieux vaut tard que jamais !

Apparenté à Sojourner, MER sera bien plus puissant. D'un poids de 150 kg (contre 10,5 kg pour son aîné) et d'une hauteur de 1,2 mètres, il sera capable de traverser chaque jour une centaine de mètres à la surface de Mars, soit la distance totale parcourue par Sojourner pendant les trois mois de sa mission ! MER tirera son énergie du Soleil, grâce à des panneaux solaires situés sur son dos. Il sera capable de cheminer de manière autonome à la surface de Mars, en optimisant son trajet et en se tenant à l'écart des éventuels dangers qui se dresseront sur sa route.

Initialement, MER ne devait communiquer qu'avec des satellites en orbite martienne, mais les sondes qui pourront jouer en 2003 le rôle de relais de transmission sont aujourd'hui moins nombreuses que prévu en 2003. La NASA ne peut désormais plus compter sur Mars Climate Orbiter depuis son crash en septembre 1999. Reste donc la sonde Mars Odyssey et la sonde Mars Express (Mars Global Surveyor commence à prendre de l'âge, et son relais ne peut fonctionner que dans le sens Mars - Terre). MER ne pourra donc s'appuyer que sur deux satellites relais, ce qui n'est pas suffisant. C'est pourquoi le rover sera équipé d'une antenne parabolique orientable à bande X pour communiquer directement avec la Terre, à un débit moindre cependant (30 mégabits par jour contre 40 mégabits par jour dans le cas de l'utilisation d'un satellite relais). Le poids supplémentaire de l'antenne a forcé les scientifiques à abandonner l'un des instruments initialement embarqués sur MER, le spectromètre Raman.

MER a été entièrement construit par le Jet Propulsion Laboratory. Rappelons que les deux dernières sondes martiennes de la NASA, Mars Climate Orbiter et de Mars Polar Lander, avaient été confiées aux bons soins de la firme Lockheed Martin Astronautics, une société que certains avaient montré du doigt après l'échec de ces deux missions (le JPL s'était alors uniquement contenté de superviser les opérations). Pour la mission de 2003, le centre de Pasadena va retrouver ses prérogatives de constructeur, une sorte de retour aux sources qui a été vivement applaudi par les ingénieurs du JPL.

La mission


Le premier rover (MER-A) "Spirit" s'est envolé vers Mars depuis Cap Canaveral à bord d'une fusée Delta II, le 10 juin 2003. La sonde (MER-B) "opportunity" a décollé avec succès le 08 juillet 2003 à l'aide d'une Delta II, version plus lourde que la précédente. A l'issue d'une croisière spatiale de 7 mois et demi, le premier véhicule atterrira sur Mars le 4 janvier 2004, le deuxième atterrissage ayant lieu le 25 janvier 2004, soit environ un mois plus tard.

Après le crash de Mars Polar Lander, la NASA a jugé préférable de revenir au système d'atterrissage de la sonde Pathfinder. Mars Polar Lander s'appuyait sur un système d'atterrissage conventionnel hérité des sondes Viking : freinage sous parachute suivi d'une décélération par rétrofusée, la sonde touchant finalement la surface sur ses pieds. Etant donné les dangers omniprésents de la surface martienne, les ingénieurs pensent aujourd'hui que cette technique n'est pas la façon la plus sûre d'aborder la planète rouge. Elle laisse un peu trop de place au hasard et à la chance. Malgré tous nos moyens techniques, on ne peut effectivement pas encore deviner ce qui va se trouver juste sous les pieds de l'atterrisseur. Une pente un peu trop forte, un rocher mal placé et la mission s'achève en catastrophe. Le système d'airbags, validé par Pathfinder, semble constituer à ce jour la meilleure solution.

Lors de son arrivée, la sonde commencera à ralentir grâce à la friction de son bouclier thermique sur les couches denses de l'atmosphère martienne. Un parachute prendra alors le relais pour compléter le freinage. A proximité de la surface, des airbags vont brusquement se gonfler. Enfermée dans un cocon protecteur, la sonde va heurter la surface pour rebondir un grand nombre de fois (au moins une dizaine) comme un ballon de volley sur une plage. Elle pourra ainsi parcourir horizontalement un bon kilomètre avant de s'immobiliser définitivement.

Une fois le calme revenu, les airbags se dégonfleront. Telle une fleur au petit matin, la sonde va ouvrir ses pétales métalliques pour dévoiler le rover (dans le cas ou la sonde n'a pas atterri à l'endroit, l'ordre d'ouverture des pétales permettra de la remettre d'aplomb). A peine sorti de sa coquille, MER commencera à prendre un panoramique du site d'atterrissage dans le domaine du visible et de l'infrarouge, pour permettre aux scientifiques de planifier ses futurs déplacements.

Après les premiers repérages, MER passera sans doute quelques semaines à analyser les roches et les sols au voisinage immédiat de son site d'atterrissage. C'est seulement lorsqu'il aura épuisé les possibilités scientifiques du secteur d'atterrissage qu'il pourra mettre les voiles et partir vers de nouveaux horizons.

Contrairement à celui de Pathfinder, l'atterrisseur sera complètement passif et n'aura aucun rôle scientifique à jouer : son seul objectif sera de déposer sain et sauf le rover à la surface de Mars. Une fois à pied d'œuvre, MER pourra donc le laisser derrière lui et à aucun moment il n'aura besoin de revenir vers son site d'atterrissage. Structure métallique aux airbags recroquevillés, l'atterrisseur finira sa mission en traînant lamentablement sur le sol, tel un honteux déchet jeté par les hommes.

Au cours d'une mission de 3 mois, MER se déplacera continuellement à la surface de Mars, s'arrêtant ici et là pour mener des investigations scientifiques. Pour planifier les mouvements du rover, les navigateurs étudieront les images panoramiques renvoyées par celui-ci. Après avoir défini un chemin jalonné de points de passage intermédiaires, les ordres seront transmis à MER, qui les exécutera le jour suivant. Grâce à sa propre caméra de navigation, le rover pourra repérer les éventuels obstacles qui se dresseront sur sa route et prendre de lui-même les mesures qui s'imposeront pour les éviter. Sa garde au sol lui permettra de franchir des obstacles d'une hauteur maximale de 25 centimètres. Au-delà, il sera forcé de les contourner. Pour appréhender son environnement MER va s'appuyer sur une dizaine de caméras, qui alimenteront en données des routines d'intelligence artificielle.

Pour les scientifiques, l'idéal aurait été de disposer d'images prises par une caméra de descente similaire à celle qui équipait Mars Polar Lander (MARDI). Cette caméra particulière, située juste sous l'atterrisseur, peut prendre des images du site d'atterrissage tout au long de la descente. Les premiers clichés offrent une vue globale mais peu détaillé du site, alors que les derniers couvrent avec une foule de détails une petite parcelle de terrain. Mais le système d'atterrissage par airbags rend inutile ce genre d'instrument, car les rebonds peuvent entraîner la sonde assez loin du point d'impact initial. A un moment ou un autre celle-ci va donc forcément sortir du champ de la caméra de descente.

Le déplacement journalier du MER étant de 100 mètres, le robot pourrait parcourir au total 9 kilomètres pendant les trois mois de sa mission. Mais comme il passera la majeure partie de son temps à conduire des analyses scientifiques, il ne devrait pas au final traverser plus de 1 à 2 km.

Objectifs scientifiques


MER est avant tout un géologue de terrain et son objectif principal est le décryptage du passé climatique de la planète Mars, avec en toile de fond la problématique de l'eau. Il est dirigé vers un site ou l'eau a coulé dans un passé plus ou moins lointain. Grâce à sa batterie d'instruments, MER devra étudier la géologie des régions traversées, identifier des minéraux dont la formation est liée à la présence d'eau et évaluer l'intérêt exobiologie de différents sites.

Les deux sites d'atterrissage seront choisis entre 5° de latitude nord et 15° de latitude sud, pour des questions d'ensoleillement. Le relief du premier site sera probablement très peu prononcé, histoire de donner le maximum de chance au rover d'atterrir sain et sauf. Enhardi par un premier succès, les ingénieurs pourront alors tenter de faire atterrir le deuxième rover sur une région plus accidentée. L'atterrissage sera alors plus risqué mais en contrepartie, les reliefs rendront le site plus intéressant géologiquement parlant qu'une plaine morne et désolée. Pour sélectionner les deux sites d'atterrissage, les scientifiques s'appuieront sur les données recueillies par Mars Global Surveyor et Mars Odyssey. La décision finale devrait être prise au cours de l'été 2002.

Les instruments scientifiques
APEX

MER va emporter avec lui l'ensemble d'instruments scientifiques APEX (Athena Precursor Experiment), qui n'est autre qu'une version réduite du package Athena qui devait être embarqué par l'ancien rover de la mission de retour d'échantillons. Cet ensemble comporte actuellement cinq instruments scientifiques : deux sont fixés sur le mât du rover (une caméra panoramique et un spectromètre infrarouge), alors que les trois autres sont montés à l'extrémité d'un bras télescopique de la longueur d'un bras humain, sur une petite structure rotative en forme de croix. Les trois premières extrémités de la croix sont occupées par une caméra microscopique, un spectromètre Mössbauer et un spectromètre APXS. La dernière supporte une petite meule capable d'ôter la poussière et la couche superficielle érodée des roches pour en exposer une section fraîche aux instruments d'analyse.

PanCam

Le système d'imagerie PanCam permettra obtenir des images couleur et stéréo des régions avoisinants MER. Il comprend deux caméras à hautes résolutions en complément d'une caméra monochrome de navigation (NavCam). La résolution des deux caméras sera trois fois supérieure à celle du système d'imagerie de Pathfinder (IMP). Les caméras permettront aux scientifiques d'identifier des roches et des sols intéressants en vue d'une analyse ultérieure par d'autres instruments. Les panoramas fourniront des informations sur la topologie et la morphologie des terrains, la distribution des rochers, la présence de dunes. La capture d'images à différentes longueurs d'onde (8 filtres pour un domaine spectral couvert de 0,4 à 1,1 microns) renseignera de manière sommaire sur la minéralogie des roches et des sols. Le système PanCam sera monté au sommet du mât qui équipe le rover.


Mini TES

Le spectromètre d'émission thermique Mini TES sera à même de déterminer la composition minéralogique des roches et des sols. Il opèrera pour cela dans le domaine infrarouge du spectre électromagnétique (de 6 à 25 microns). Les roches éclairées par la lumière du Soleil réfléchissent effectivement une certaine quantité de lumière dans l'infrarouge. Or de nombreux minéraux présentent des bandes d'absorption caractéristiques dans cette partie du spectre, ce qui permet leur identification. Le Mini-TES sera également capable de pénétrer la couche de poussière qui tapisse la plupart des roches de surface. Il pourra identifier des carbonates, des silicates, des minéraux déposés en milieux aqueux. La capacité des roches et du sol à conserver la chaleur malgré les larges variations de température qui ont lieu au cours d'une journée martienne sera également enregistrée. Pointé vers le haut, le spectromètre pourra aussi obtenir des profils de température de l'atmosphère martienne. Le Mini TES est une version plus petite et plus simple du TES qui équipe la sonde Mars Global Surveyor. Comme le système PanCam, il sera fixé sur le mât du rover.


Spectromètre Mössbauer

Le spectromètre Mössbauer est un type de spectromètre particulièrement sensible au fer contenu dans certains minéraux. Il va permettre de déterminer l'abondance et la composition des minéraux riches en fer, ainsi que l'état d'oxydation de celui-ci, le tout avec une grande précision. Il servira aussi à mesurer les propriétés magnétiques de divers matériaux, à étudier l'étendue de l'altération des roches et à identifier les minéraux formés dans des environnements chauds et humides comme les sources hydrothermales, de tels environnements constituant un milieu propice pour la découverte de fossiles d'une éventuelle vie martienne. Enfin, il complétera l'étude minéralogique effectuée par d'autres instruments, comme le Mini-TES. Il sera fixé sur un bras robotique positionné à l'avant du rover.


APXS

Le spectromètre Alpha-Proton-Rayons X (APXS pour les intimes) permettra d'obtenir la composition élémentaire des matériaux de surface. Grâce à trois modes de détection (alpha, proton, rayons X), il pourra identifier et mesurer l'abondance de la plupart des éléments constitutifs des roches et du sol, sauf le plus léger d'entres eux, l'hydrogène. Il fournira des informations sur les processus de formation de la croûte martienne, les mécanismes d'érosion ou l'importance de l'eau. Il permettra de compléter l'étude minéralogique effectuée par d'autres instruments, comme le Mini-TES. Pour corréler les résultats des différents instruments, l'APXS devra au moins analyser une roche et un sol qui auront été également scrutés par la caméra panoramique et le Mini-TES. Cet instrument est une version améliorée de l'APXS qui équipait l'astromobile Sojourner de la mission Pathfinder. Il sera fixé sur un bras robotique positionné à l'avant du rover.


Caméra microscopique

Comme son nom l'indique, cet instrument combine une caméra et un microscope. Il va fournir des vues extrêmement rapprochées et détaillées de la surface des roches et du sol. La résolution spatiale sera de 20 à 40 microns par pixel. Le champ de vision sera assez large (les images mesureront environ 2cm de côté), ce qui évitera de repositionner souvent le bras mobile. Les clichés obtenus seront très utiles pour déterminer la minéralogie, la texture et la morphologie des matériaux étudiés. Ces informations permettront de faire toute la différence entre une roche sédimentaire, une lave volcanique ou un fragment résultant d'un impact météoritique. En étant capable de discerner la taille et la forme des grains constituant une roche sédimentaire, les scientifiques seront par exemple à même de déterminer leur mode de transport et de dépôt. Pour comprendre l'importance de cette caméra, je vous conseille de faire un petit tour sur la page qui traite des découvertes géologiques du robot Sojourner et des limitations qui ont alors été mises en évidence. La caméra microscopique sera fixée sur un bras robotique positionné à l'avant du rover.

RAT

En plus de ses cinq instruments, MER emporte avec lui un outil très utile, le RAT (Rock Abrasion Tool), pour abraser la surface des matériaux à étudier, l'objectif étant d'ôter la poussière et les couches superficielles érodées pour atteindre une partie saine de la roche. Ce système permettra d'éviter les déboires géologiques qu'à connu le petit robot Sojourner, qui analysait plus le manteau de poussière qui recouvrait les roches que les roches proprement dites ! Cette meule sera fixée sur un bras robotique positionné à l'avant du rover.

Vivement 2004 !


Après 7 ans d'absence, la NASA a donc décidé de retourner à la surface de Mars. En choisissant d'envoyer deux robots similaires à Sojourner, qui utiliseront de surcroît le système d'airbags testé avec brio lors de cette mission en 1997, l'agence spatiale américaine espère bien renouer avec le succès (la NASA a de plus annoncé une retransmission en temps réel de toutes les données et images sur Internet !). Reste qu'il va nous falloir patienter encore de nombreuses années avant de pouvoir suivre les déambulations des deux engins à la surface martienne !

source : www.nirgal.net (spécialiste francophone de Mars, ce site est une pure merveille)

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