Mars Surveyor 98

Mars Surveyor 98, une mission dévastée


Le bilan de la mission Mars Surveyor 98 est un véritable désastre sur le plan scientifique, technologique et humain. Le 23 septembre 1999, la NASA perdait définitivement Mars Climate Orbiter à la suite d'une erreur invraisemblable. Suite à cette catastrophe, de nombreux efforts ont été réalisés pour éviter que Mars Polar Lander ne connaisse le même sort. En vain. Le 3 décembre 1999, 15 minutes avant son atterrissage, le contact radio est coupé avec l'atterrisseur polaire. Il ne sera jamais rétabli, malgré de nombreuses tentatives désespérées et la NASA mettra fin aux recherches le 17 janvier 2000. Les pénétrateurs Deep Space 2 s'installeront également dans un silence permanent. La disparition de trois sondes en moins de trois mois va provoquer un véritable séisme à la NASA et une refonte totale du programme martien.


La mission Mars Surveyor 98 a pour thème principal l'eau et tourne autour de trois points importants : l'eau en tant qu'élément indispensable pour l'apparition de la vie telle que nous la connaissons, l'eau dans le climat martien et l'eau en tant que ressource essentielle pour les futures missions habitées à destination de la planète rouge.

Mars Surveyor 98 comprend deux sondes, un orbiteur (Mars Climate Orbiter) et un atterrisseur (Mars Polar Lander), et cela pour un coût sensiblement identique à celui de la mission Pathfinder (265 millions de dollars). Ensemble, elles vont cartographier la surface martienne, déterminer la structure de l'atmosphère, étudier son interaction avec la surface et rechercher des traces d'eau et de glace en surface et dans le sous sol martien.

Les instruments scientifiques de Mars Climate Orbiter


Le PMIRR (Pressure Modulator Infrared Radiometer) : Cet instrument est une nouvelle version du radiomètre emporté par la sonde Mars Observer. C'est un module météorologique complet. Il va permettre d'observer la distribution globale et les variations dans le temps de la pression, de la température, de la poussière, de la vapeur d'eau et des nuages dans l'atmosphère mais aussi de quantifier l'émission radiative de surface et l'ensoleillement. Sa résolution verticale sera de 5 kilomètres/pixel et il travaillera avec 9 longueurs d'ondes différentes (une dans le visible et huit autres bandes de 6 à 50 micromètres dans le domaine de l'infrarouge). L'instrument sera capable d'observer la totalité de la planète, y compris le limbe, à l'exception des régions polaires. Un petit miroir lui permet en fait d'observer l'atmosphère depuis la surface jusqu'à 80 km d'altitude. Pour la première fois, les bandes d'adsorption du gaz carbonique et de la vapeur d'eau seront étudiées avec une résolution verticale de 5 kilomètres. Un radiateur gardera les détecteurs situés dans le plan focal de l'instrument à une température de - 193°C.


Le MARCI (Mars Surveyor Color Imager) : Cet instrument combine deux caméras (une à grand angle, l'autre à angle moyen), le système électronique d'acquisition de données et l'alimentation en énergie. C'est une version miniature de la caméra de Mars Global Surveyor (elle est environ vingt fois moins lourde). A la fin de la phase de croisière, le système MARCI prendra des images de Mars. Une fois la sonde sur son orbite de cartographie, la caméra grand angle fournira des vues journalières et globales de l'atmosphère et de la surface de Mars. Quant à la caméra à angle moyen, elle permettra de surveiller la surface de Mars et de détecter d'éventuels changements. La caméra grand angle peut fonctionner dans sept bandes spectrales différentes (5 bandes dans le visible de 425 à 750 nanomètres, 2 bandes UV à 250 et 330 nanomètres). Sa résolution spatiale varie de 7,2 km/pixel pour des débits faibles de transmission de données, à 1 kilomètre lorsque le débit s'y prête. Des observations du limbe de la planète permettront l'étude de la structure atmosphérique des nuages et des brouillards avec une résolution de 4 kilomètres. La caméra à angle moyen fonctionne dans 8 bandes spectrales différentes, du violet au proche infrarouge (de 425 à 930 nanomètres). Sa résolution spatiale est de 40 mètres par pixel et chaque vue couvre 40 kilomètres de coté. La caméra pourra photographier n'importe quel endroit de la planète à l'exception des pôles (à cause de la légère inclinaison de la sonde).


Enfin, Mars Climate Orbiter emporte avec elle un relais radio pour relayer les communications des futures stations au sol (américaines ou internationales) et supporter les activités de la sonde Mars Polar Lander.

Les instruments scientifiques de Mars Polar Lander


On trouve dans un premier temps le MVACS (Mars Volatiles and Climate Surveyor) qui se compose lui même d'un certain nombre d'instruments :

Un système d'imagerie stéréo de surface (SSI ou Stereo Surface Imager) : Cette caméra panoramique est montée au sommet d'un mat de 1,5 mètres de haut. Elle est identique à la caméra utilisée par Pathfinder. Grâce à sa capacité multispectrale, du violet au proche infrarouge (400 à 1000 nm) et à la présence d'un système de calibration, les images obtenues seront en "vraies couleurs". Ce système fournira des images panoramiques, permettra de caractériser l'environnement du site d'atterrissage et interagira également avec d'autres expériences (TEGA, bras robotique, photographies des plaques magnétiques). En observant le Soleil, elle pourra aussi étudier les aérosols et la vapeur d'eau atmosphérique.

Bras robotique (RA ou Robotic Arm) avec caméra intégrée (RAC ou Robotic Arm Camera) : L'atterrisseur possède un bras articulé de deux mètres de long, avec une extrémité articulée sur laquelle est fixée une pelle, une petite caméra et un capteur de température. Ce bras permettra de creuser des tranchées, de manière à prélever des échantillons de sols. La caméra permettra d'observer une éventuelle stratification (la résolution atteindra le millimètre) du sol et du sous sol et sera à même de caractériser la texture des échantillons prélevés avec le bras. Elle permettra aussi d'observer les profils du sol sur les côtés des tranchées. Le capteur de température mesurera la température ambiante et la conductivité thermique du sol.


Package météorologique (MET ou Meteorological Package) : Il est monté sur un bras de 1,2 mètres de longueur et permettra de réaliser des mesures sur les vents (vitesse et direction) et les températures (4 capteurs). Un système de diodes lasers (tunable diode laser, ou TDL) va également permettre de mesurer la quantité de vapeur d'eau présente dans l'atmosphère et de déterminer la présence d'isotopes spécifiques de l'eau (Deutérium/Hydrogène et 18O/16O) et du CO2 (13C/12C et 18O/16O). Ces isotopes sont des indicateurs précieux si l'on veut comprendre l'évolution de l'atmosphère de Mars. Un mât secondaire de 0,9 mètres de long est attaché sous l'atterrisseur. Il va servir à mesurer la vitesse du vent et la température (grâce à deux capteurs) entre 10 et 15 cm au dessus de la surface martienne. Les capteurs de pression sont montés à l'intérieur de l'atterrisseur. Le package météorologique recueillera également les données provenant des thermocouples montés sur le bras robotique. Le MET nous fournira les premières données météorologiques acquises depuis la surface de l'hémisphère sud ainsi que les premières données météo de la région du pôle sud.


TEGA (Thermal and Evolved Gas Analyzer) : Cet instrument extraordinaire va permettre de détecter de l'eau et du CO2 dans des échantillons de sols. Le bras robotique commence par creuser une petite tranchée de quelques centimètres dans le sol. Un échantillon est prélevé, photographié par la caméra du bras robotique puis déposé dans l'un des fours de l'un des 8 analyseurs du TEGA. Une diode LED servira à confirmer qu'un échantillon de sol a bien été délivré. Le sol est ensuite chauffée à basse température (27°C) et le bras robotique, pendant ce temps, retourne dans la tranchée pour mesurer la température à même le sol. Avant de poursuivre les opérations, on laisse le sol refroidir pendant la nuit. Le lendemain matin, il est porté à très haute température (1027°C). Il est possible d'obtenir une température aussi importante avec une alimentation en énergie assurée uniquement par les panneaux solaires de l'atterrisseur, car la masse de l'échantillon à chauffer est très faible (0,1 gramme). Lors du chauffage progressif, le sol va libérer de l'eau et du CO2, ainsi que diverses substances volatiles emprisonnées dans différents minéraux. L'identification des substances volatiles s'effectue grâce à une petite diode laser. Un faisceau laser va passer à travers les gaz émis par l'échantillon. Chaque molécule va absorber de manière spécifique une certaine quantité de lumière laser. Une fois utilisé, le four ne peut plus servir. Le TEGA va aussi jouer le rôle d'un calorimètre. Chacun des huit analyseurs comporte en fait deux fours en céramique. Lors d'une analyse, l'un des fours restera vide alors que l'autre sera rempli avec l'échantillon de sol. Après chauffage, en mesurant la chaleur qui s'échappe du four vide et en la soustrayant à celle qui s'échappe du four plein, nous pourrons obtenir une valeur précise de la quantité de chaleur absorbée par le sol. En tout, le TEGA pourra donc analyser 8 échantillons de sol.

Le LIDAR (Light Detection and Ranging) : Cet instrument se trouve au dessus du corps de l'atterrisseur et va servir à étudier les aérosols atmosphériques ainsi que les nuages de glace. C'est le premier instrument russe (fourni par l'IKI) qui sera utilisé sur une sonde planétaire américaine. Son fonctionnement est un peu similaire à celui du radar. Il émet des pulses d'énergie et détecte leur écho lorsqu'elles sont réfléchies par différents obstacles. Contrairement au radar, le LIDAR n'émet pas d'ondes radio, mais des pulses de lumière laser (2500 pulses de lumière dans le proche infrarouge chaque seconde). Il se compose d'un senseur, d'un dispositif électronique et d'un câble d'interconnexion. Une diode laser enverra des flashs lumineux dont le retour sera chronométré de manière à localiser et à caractériser les nuages de glace et la poussière dans l'atmosphère martienne sur une courte distance (2 à 3 kilomètres). L'objectif principal de cet instrument est de déterminer la quantité de poussière en suspension dans l'atmosphère au dessus du site d'atterrissage. Le LIDAR inclut également un microphone.


Le microphone : Monté avec le LIDAR, il n'a pas nécessité de réajustements au niveau de la masse, de la puissance, du volume ou du débit de données de la sonde. Il pèse moins de 50 grammes et ses dimensions ne dépassent pas 5 cm sur 5 cm. On pourrait penser de prime abord que cet instrument n'est qu'un gadget, mais il n'en est rien ! Pour que l'on puisse entendre des sons, il faut que ceux ci se propagent dans un milieu, comme l'air. Il existe deux différences importantes entre l'atmosphère martienne et terrestre : la pression atmosphérique et la composition. La pression atmosphérique de Mars est très faible (0,1 % de la pression terrestre). Or il se trouve que le niveau sonore diminue avec la pression. Cependant, l'atmosphère martienne semble assez dense pour permettre la propagation d'un signal acoustique dans un domaine de fréquence audible. Nous devrions donc être en mesure d'entendre quelque chose, grâce aux amplificateurs présents avec le microphone. Du point de vue de la composition, l'atmosphère martienne est principalement constituée de CO2 (contrairement à l'atmosphère terrestre). Cette différence ne devrait cependant pas empêcher la propagation des sons. Le petit instrument va peut être nous permettre d'entendre le souffle du vent, le bruit des tourbillons de sable, le rugissement des tempêtes de poussières et pourquoi pas des éclairs ! Il nous transmettra également les bruits en provenance de l'atterrisseur, comme celui du bras robotique en train de creuser le sol (dans un premier temps, la durée de chaque son sera de 10 secondes). Mais le son le plus excitant sera sans doute celui dont nous n'avons pas idée ! L'expérience a démontré qu'à chaque fois qu'un nouvel instrument est envoyé dans l'espace, il nous apprend quelque chose de nouveau sur l'environnement extraterrestre. C'est la que réside le véritable intérêt de ce microphone.


Le MARDI (Mars Surveyor Descent Imager) : C'est une caméra de descente située sous l'atterrisseur. Elle commencera à prendre des images juste avant l'éjection du bouclier thermique (l'altitude sera alors inférieure à 8 km) et continuera ainsi jusqu'à l'atterrissage. La première image montrera une zone carrée de 9km sur 9 km avec une résolution de 7,5 mètres/pixel, alors que la dernière image montrera une zone de 9 mètres sur 9 mètres avec une résolution de 9 mm/pixel. La caméra va acquérir 10 images au total. Le capteur CCD de cette caméra va fournir des images en noir et blanc de 1000 pixels par 1000 pixels. C'est la première fois depuis les missions Apollo que des images vont être prises pendant la descente d'un module.


Un lien UHF permet de communiquer avec la sonde Mars Climate Orbiter. L'atterrisseur peut également envoyer des données à la sonde Mars Global Surveyor, mais ne peut pas recevoir de commandes. Enfin, l'atterrisseur peut communiquer directement avec la Terre (dans les deux sens) via son antenne à gain moyen (bande X). Si une antenne de 70 mètres du Deep Space Network est utilisée, le débit est de 5700 bps. Pour une antenne de 34 mètres, le débit tombe à 1400 bps. L'utilisation d'un orbiter permet de porter le débit à 128 000 bps. Chaque jour, l'atterrisseur aura 3 ou 4 opportunités pour échanger des informations avec les sondes en orbite. La session ne peut cependant commencer que lorsque l'orbiteur est à 20° au moins au dessus de l'horizon martien.


Il emportait enfin les deux pénétrateurs Deep Space 2 du programme New Millennium.

source de : www.nirgal.net (spécialiste de Mars)

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