Near : mission sur 433 Eros

 

L'astéroïde 433 Eros :

Eros est grand comme une ville et laid comme un poux. Il tourne sur lui-même, depuis des milliards d'années, en cinq heures et seize minutes. Il gravite autour du Soleil en 643 jours et s'approche régulièrement de la Terre en raison de son orbite très excentrique. En 1931, il est passé à 26 millions de km de la Terre, en 1938 à 32 millions de km, en 1975 à 22 millions de km . Il reviendra, tout aussi près, en 2056. Et, selon les prévisions d'esprits chagrins, il heurtera la Terre dans 1,5 millions d'années. Le plus bel Amour C'est un NEA comme disent les spécialistes. Un Near Earth Asteroid. Ou un géocroiseur de type Amor (une petite planète de 800 mètres de diamètre qui passe de temps en temps à 16 millions de km de la Terre). Un astre dangereux s'il déraille, mais intéressant à étudier. Compte tenu de ses dimensions, Eros est en effet le plus gros astéroïde rapproché de la Terre. Ce qui a donné aux Américains l'envie de lui rendre visite en placant une sonde en orbite autour de lui. Un objet pesant 45 kg sur Terre ne pèserait plus que 28 g sur Eros. La gravité est faible mais suffisante pour maintenir un petit engin en orbite.

La mise en orbite de NEAR :

Near (Near Earth Asteroid Rendezvous) a décollé, il y a quatre ans, le 17 février 1996, à bord d'une fusée Delta-2. En juin 1997, la sonde survole l'astéroïde Mathilde à 1200 km de distance. Et le 5 novembre 1998, elle prend la toute première image d'Eros qui confirme son appartenance à la grande famille de patatoïdes. En décembre 1998, une série de manoeuvres réduit la vitesse de Near. La sonde doit passer de la vitesse de 949 m/seconde à 5m/seconde de façon à s'insérer en orbite en douceur, dans le sens rétrograde. C'est compter sans les caprices d'un obscur logiciel qui, le 20 décembre 1998, commute la sonde en mode sécurité, interrompt les liaisons radio et coupe le moteur sur l'air de "tout le monde descend dans le vide".Trois jours plus tard, Near remise de son bug survole Eros mais beaucoup trop vite pour se mettre en orbite. A la Saint-Valentin Les ingénieurs du Jet Propulsion Laboratory (JPL) parviennent à sauver la mission en faisait effectuer à Near une orbite complète autour du Soleil. Et le 14 février 2000, Near réussit à se placer en orbite autour d'Eros. Le rendez-vous a eu lieu le jour la Saint-Valentin, à 256 millions de km de la Terre et à 220 millions de km du Soleil. Eros est ainsi est le septième corps du système solaire à posséder un satellite artificiel, après la Terre, le Soleil, la Lune, Vénus, Mars et Jupiter. Les 28 images et 1100 vues obtenues par l'imageur multispectral pendant le rapide survol du 23 décembre 1998 avaient permis de dresser un premier portrait d'Eros. Eros ne possède pas d'atmosphère. Il n'y a aucune trace d'eau à sa surface. Le jour, la température s'élève à 100° C. La nuit, elle chute à - 150°.

Portrait d'un vagabond de l'espace :

Eros mesure 33 km de long, sur 13 km de large et 13 km de hauteur. Sa densité est de 2,4 g/cm3. Elle assez proche de la densité de la croûte terrestre ou de celle d'un autre astéroïde de même type , Ida , survolé en 1993 par la sonde Galileo. Sa surface est recouverte de poussières et de cratères. D'après son albédo, c'est un astéroïde de type S (silicaté) constitué de roches (pyroxènes et olivine) et de métal (fer et nickel). Les données envoyées par le spectromètre à infrarouge et le spectromètre X-gamma de Near, indiquent que la surface de l'astéroïde est composé de magnésium, d'aluminium, de silice, de calcium et de fer. Eros est littéralement recouvert de rochers de taille diverses et de cratères mesurant moins de 1,6 km de diamètre, sauf dans la région dite de la "selle", formation en creux dont le sol est plus jeune qu'ailleurs . Deux cratères mesurent respectivement 8,5 et 6,5 km de diamètre. L'une des faces d'Eros est dominée par une longue arrête de 20 km. La diversification géologique est beaucoup plus grande que prévue. A la surface, on observe aussi des cannelures. Elles sont larges d'une centaine de mètres et longues de plusieurs kilomètres. Des formations identiques ont été observées à la surface d'autres astéroïdes comme Gaspra mais aussi sur Phobos, satellite martien, où elles ont particulièrement nombreuses. Leur formation semble due à des fractures souterraines dont on ne sait pas pour l'instant expliquer l'origine. Autre découverte : des couches parallèles visibles en plusieurs endroits. Ces couches en strates seraient des coulées de lave qui se seraient formées sur un planétoïde beaucoup plus grand qu'Eros. Eros ne posssède pas de coeur, ni de manteau, ni de croute. C'est un corps homogène qui n'a pas été soumis à de hautes températures capables de séparer les éléments légers des élément lourds. Ce n'est pas non plus un agglomérat de blocs rocheux. Il s'agirait plutôt du vestige d'un corps plus grand, fracassé lors d'un impact. Eros est peut-être le fils d'Anteros dont l'orbite est presque identique à la sienne.

Le déroulement de la mission :

14 février 2000 : Eros possède désormais un satellite artificiel. La mise en orbite de Near autour d'Eros s'est déroulé comme prévu.

Le 14 février 2000, à 16h30, la sonde qui se trouvait alors à 327 km de l'astéroïde, a allumé ses moteurs pendant 57 secondes pour freiner sa vitesse et s'insérer en orbite. Le responsable de la mission, le professeur Robert Farquhar a rappelé que la stabilité de cette orbite était "plutôt délicate". Dans un premier temps, Near orbitera autour d'Eros à une distance respectueuse et modélisera son axe de rotation et sa gravitation. Des abaissements et des relèvements de l'altitude de l'orbite se succéderont pendant plusieurs semaines. L'étude proprement dite d'Eros devrait commencer, si tout se déroule bien, au début du mois de mai.

15 février 2000 : les toutes premières photos prises par la sonde Near depuis son orbite révèle déjà de nombreux détails. On peut y voir non seulement des cratères mais aussi des terrains en couche et des sillons. Selon l'un des responsables de la mission, Joe Veverka (université de Cornell), il existe une grande complexité géologique. Ces observations "laissent entendre qu'il y a eu des collisions très violentes"

17 février 2000 : la pente des nombreux cratères d'Eros montrent que la croûte de l'astéroïde est compacte et qu'il y aurait des couches en sous-sol

18 février 2000 : publication d'une mosaïque d'images avec une résolution de 35 mètres. Celle-ci montre l'intérieur de la crevasse géante qui donne à Eros sa forme caractéristique de cacahouète volante. On y observe des lignes de dépression parallèles, orientées dans le sens de la longueur de l'astéroïde, et des cratères de plus petite taille que sur le reste de la surface.

21 février 2000 : la diversité des roches qui constituent Eros se confirme au fur et à mesure que les premières données arrivent. Ainsi un emplacement 25 % fois plus brillant que le reste de la surface a-t-il été repéré par la caméra de Near.

25 février 2000 : l'équipe qui analyse les données envoyées par Near s'interroge sur les couches parallèles observées à la surface d'Eros. Elles se sont peut-être formées lors de la collision qui a coupé en deux l'astéroïde dont est issu Eros. Ou bien elles sont le signe d'une ancienne activité géologique comme le volcanisme.

3 mars 2000 : Near a allumé ses moteurs pendant 22 secondes pour descendre sur une orbite circulaire de 200 km. La sonde doit rester sur cette orbite jusqu'au 1er avril et se consacrera à l'étude de la gravité d'Eros et à l'établissement d'une carte des reliefs en 3D.

13 mars 2000 : chaînes de cratères, nombreuses buttes ne dépasant pas 50 mètres, longues crêtes s'étendant sur plusieurs kilomètres... La diversification du relief d'Eros étonne les scientifiques qui décortiquent les quelques 2 400 images transmises par Near depuis le 14 février.

15 mars 2000 : Near (Near Earth Asteroid Rendezvous) s'appelle désormais Near Shoemaker, en l'honneur du scientifique américain Eugene M. Shoemaker. Les cendres de ce dernier, qui fut notamment un expert des cratères d'impact, reposent au fond du cratère lunaire Mawson, depuis le crash volontaire de Lunar Prospector, le 31 juillet dernier.

 2 avril 2000 : Near qui se trouve en ce moment à 218 millions de kilomètres de la Terre a entamé la procédure de descente sur une orbite située à seulement 100 km de distance d'Eros. Les mesures effectuées par l'un des spectromètres montrent que la surface de l'astéroïde contient du magnesium, de l'aluminum, de la silice, du calcium et du fer.

4 avril 2000 : une des révélations apportées par les images de Near est l'abondance des rochers à la surface d'Eros. Beaucoup d'entre eux atteignent 50 mètres de diamètre ou plus. Il s'agit probablement de fragments de la roche primitive d'Eros, éjectés du sol lors de la formation de cratères d'impact puis morcelés à leur tour.

10 avril 2000 : fin de la première phase d'exploration d'Eros. Near est désormais sur une orbite de transfert pour se placer à 100 km puis à 50 km seulement du centre de l'astéroïde.

30 avril 2000 : la sonde Near orbite désormais à 50 km de distance du centre d'Eros.

3 mai 2000 : publication d'une première photo prise à faible distance (53 km). On y observe des rochers de 8 à 45 mètres de large.

30 mai 2000 : selon l'équipe qui exploite les données du spectromètre Gamma-x-ray (XGRS) de la sonde Near, la surface d'Eros contient du silicium, du magnésium et de l'aluminium exactement dans les mêmes proportions que dans le Soleil et les chondrites. L'astéroïde serait une vénérable relique dont les éléments de base n'auraient pas changé depuis la formation du système solaire. A noter toutefois que la région étudiée le 14 mai dernier, ne mesure que 6 km de côté et n'est peut-être pas représentative, ni d'Eros ni des autres planétoïdes qui errent, depuis la nuit des temps, entre Mars et Jupiter.

9 juin 2000 : coup dur pour l'équipe de Near: le spectromètre à infrarouge (NIS) chargé de déterminer la composition minéralogique d'Eros est tombé en panne.

29 juin 2000 : les 65 000 images obtenues depuis le 14 février vont permettre de réaliser une carte mosaïque de la surface d'Eros.

7 juillet 2000 : nouvelle série de manoeuvres pour abaisser l'orbite de Near à 35 km seulement de la surface d'Eros.

26 août 2000 : allumage des moteurs pendant deux minutes pour remonter Near sur une orbite elliptique de 50/100 km.

5 septembre 2000 : Near est désormais sur une orbite circulaire de 100 km.

26 octobre 2000 : Near survole Eros pendant 30 minutes à une distance de 5,3 km.

2 novembre 2000 : la sonde se stabilise sur une orbite circulaire située à 200 km du centre d'Eros.

13 décembre 2000 : Near vient de terminer sa mission de cartographie. Son orbite a été abaissée le 13 décembre à 35 km de distance du centre de l'astéroïde afin de poursuivre l'étude de la surface par le spectromètre Gamma pendant les mois de décembre et de janvier. La sonde a réalisé 160 000 photos.

4 janvier 2001 : le responsable du programme Near, Robert Farquhar, annonce que la sonde va tenter de se poser sur Eros. Il ne cache pas que la sonde risque de se cracher mais espère qu'elle pourra transmettre des photos prises à 500 mètres de distance, avec des détails de 10 cm.

12 février 2001 : le laboratoire de physique appliquée (APL) de l'Université de Johns Hopkins (Maryland) réalise une nouvelle prouesse en parvenant à poser une sonde sur un astéroïde pour la première fois dans l'histoire spatiale. L'allumage des moteurs pendant 20 secondes, 15H31 GMT, abaisse l'altitude de la sonde à 25 km de la surface et ralentit sa vitesse de 32 à 8 km/h. Puis quatre autres mises à feu, entre 19h16 et 19h47 GMT font descendre l'engin spatial à 5 km, 3 km, 1 km puis 400 m. L'atterrissage a lieu, comme prévu, à 20h04 GMT. Une extraordinaire précision si l'on songe que Near et Eros se trouvaient alors à 316 millions de km de la Terre et que 17 minutes et demie étaient nécessaires à la transmission d'une commande depuis le Maryland. La sonde se posée à une vitesse suffisamment basse (entre 5,4 et 6,5 km/h) pour ne pas être endommagée. Des photographies spectaculaires de la surface sont envoyées jusqu'au moment de l'impact . Les panneaux solaires fonctionnent, produisent de l'électricité et alimentent l'émetteur radio. Le spectromètre à rayons gamma et X est remis en route. Tout se passe si bien passe que la mission est prolongée. Les grandes oreilles de la NASA (Deep Space Network) restent à l'écoute de Near 14 jours supplémentaires.

1er mars 2001 : l'équipe coupe définitivement les communications avec Near-Shoemaker. Les scientifiques ont recueilli des données sur la composition du sol qui les intriguent. La sonde a survolé, avant son atterrissage, d'impressionnants blocs, couverts de fractures, un cratère dont le fond était rempli de poussière et une zone qui semble avoir été l'objet d'un glissement de terrain. Autant de caractéristiques qui laissent perplexes les responsables de la mission. Comment de la poussière a-t-elle pu s'accumuler en une épaisse couche et pourquoi y a-t-il autant de débris rocheux, alors que la gravité de l'astéroïde est si faible ?

Liens : Superbe site anglophone avec des centaines de photos et une video officielle de la descente de Near sur Eros.

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