DEEP SPACE 1

 

L’exploration spatiale se prépare à vivre une nouvelle nuit d’anthologie. La petite sonde américaine Deep Space 1, lancée le 25 octobre 1998, fonce actuellement en direction de la comète Borrely dont elle devrait frôler le noyau dans la nuit de samedi 22 à dimanche 23 septembre prochain.

Et pourtant, cette exploration ne constituait pas le but de la mission. Elle n’était même pas, en fait, inscrite au programme lorsque Deep Space 1 a été construite mais n’en constituait qu’un "prolongement éventuel".

Deep Space 1

Véritable banc d’essai volant, Deep Space 1 s'inscrit dans le programme New Millenium de la NASA. D’une masse de 490 kg pour une hauteur d'à peine 2,5 m, elle est équipée de panneaux solaires de nouvelle génération comportant des lentilles de Fresnel intégrées alimentant un système de propulsion ionique, digne de Star Trek. Ce système fournit un jet d'ions continu à une vitesse de plus de 100.000 km/h, et répartis en 3000 faisceaux de poussée très faible mais de très longue durée. Deep Space 1 est capable, sous la seule puissance de son propulseur ionique, d'accélérer de 12 960 km/h par an !

Le système de guidage automatique de la sonde n’est pas moins étonnant. Basé sur l’utilisation d’un capteur stellaire, il lui permet en effet de retrouver seule son chemin jusqu'à l'objectif qui lui a été assigné, alors que toutes les sondes, jusqu'à ce jour, étaient uniquement télécommandées depuis la Terre.

En septembre 1999, les chercheurs de la Nasa estimaient que Deep Space 1 avait triomphalement rempli tous ses objectifs. Mais la sonde intéressait également les scientifiques. Ces derniers avaient programmé une série de rendez-vous avec des astéroïdes et des comètes, le premier objet sur la liste étant l'astéroïde Braille.

Le survol eu bien lieu comme prévu le 29 juillet 1999, mais une erreur de pointage de la caméra scientifique empêcha Deep Space 1 d'obtenir des images rapprochées de l'astéroïde. Les scientifiques étaient bien décidés à rééditer l'exploit avec la comète Wilson-Harrington au mois de mars 2001, mais le 11 novembre 1999, pour une raison encore inexpliquée, Deep Space 1 perd son capteur stellaire. Sans cet instrument essentiel qui lui assure son orientation, une sonde interplanétaire n'est plus qu'un morceau de ferraille à la dérive.

Avec un impressionnant palmarès à son actif, Deep Space 1 aurait pu terminer là sa brillante carrière. Mais loin de se reposer sur leurs lauriers, les ingénieurs commencent alors à réfléchir à l'impossible : demander à la caméra scientifique de jouer le rôle de capteur stellaire pour remplacer l'original défaillant ! Mais avant d'entreprendre ce pari insensé, il faut absolument rétablir les communications avec Deep Space 1. Car sans senseur stellaire, la sonde était devenue incapable de déterminer son orientation dans l'espace et tournait de façon incontrôlée sur elle-même, son antenne de liaison ne pouvant plus es diriger vers notre planète. Pour transmettre des directives à l'engin déboussolé, les ingénieurs doivent absolument lui faire retrouver la position de la Terre.

Le moteur ionique de Deep Space 1 en cours de test

Or, Deep Space 1 possède un autre capteur utilisé par le système de navigation, qui pointe une étoile bien particulière, notre Soleil. Les informations qu'il fournit sont insuffisantes pour positionner précisément la sonde, mais il permet cependant de maintenir les panneaux solaires orientés vers la source de lumière… et d’énergie.

Après quelques calculs, on s'aperçoit bien vite que Deep Space 1 tourne sur elle-même au rythme d'une rotation toutes les heures. A cause de ce mouvement, seule l'antenne non directionnelle de faible puissance peut être utilisée pour les communications. Pour télécharger un nouveau logiciel dans l'ordinateur de la sonde, il faut obligatoirement stopper sa rotation au bon moment, de manière à ce que l'antenne parabolique à grand gain pointe dans la direction de la Terre. Connaissant la position du Soleil et l'angle Terre-Soleil, les ingénieurs peuvent ordonner à la sonde de basculer dans la direction de notre planète. L'antenne parabolique reçoit alors l'ordre d'émettre continuellement des données, l'objectif étant de suivre l'évolution de la force du signal radio sur un tour complet. Lorsque l'antenne se rapproche de la Terre, le signal devient plus fort. Inversement, il faiblit rapidement dès que l'antenne s'éloigne.

Grâce à cette technique, les ingénieurs estiment le moment où l'antenne parabolique pointe précisément vers la Terre. En tenant compte du délai nécessaire au signal radio pour parcourir les quelques centaines de millions de kilomètres qui sépare la sonde de la Terre, les ingénieurs envoient une commande ordonnant à la sonde de stopper sa révolution. L'opération est un succès. Deep Space s'est immobilisée avec son antenne parabolique pointée vers notre planète. La petite sonde ayant retrouvé deux de ses points de repères, les ingénieurs peuvent alors s'attaquer à la partie la plus difficile : la transformation à distance de la caméra scientifique en senseur stellaire.

Mais les deux capteurs sont loin d’être identiques. La différence la plus importante concerne le champ de vision. La caméra scientifique de Deep Space 1 ne voit qu'une petite portion du ciel, dont la surface est légèrement supérieure à celle de la Lune vue depuis la Terre. En comparaison, le champ de vision du senseur stellaire est 100 fois plus vaste. Si les deux instruments sont capables d'apercevoir plus d'étoiles que l'œil humain, le champ de vision restreint de la caméra scientifique constitue une véritable œillère pour la petite sonde. C'est comme si un capitaine essayait de diriger son bateau en ne regardant que par le bout d'une lorgnette ! 

De plus, le senseur stellaire ne fonctionne pas comme la caméra scientifique. Toutes les quatre secondes, il enregistre une image du ciel étoilé, qu'il transmet à l'ordinateur de bord. Celui-ci analyse l'image en la comparant à un catalogue de plusieurs milliers d'étoiles. En reconnaissant des groupements d'étoiles caractéristiques, il peut alors déterminer l'orientation de la sonde dans les trois dimensions. De son côté, la caméra scientifique transmet à l'ordinateur un simple fichier contenant une image, le transfert durant 20 secondes par cliché. Tout le reste est à inventer.

Les ingénieurs relèvent le défi et mettent au point une méthode pour transformer la caméra scientifique en instrument de navigation. La tache est ardue et complexe, mais l'expérience devient incroyablement valorisante pour l'équipe de Deep Space 1.

Deep Space 1 en cours d'intégration

Pour atteindre cet objectif, une reprogrammation de l'ordinateur était indispensable et le nouveau logiciel, particulièrement volumineux, était délicat à transmettre à plusieurs dizaines de millions de kilomètres. Ce gros logiciel fut ainsi découpé en 90 parties, et la transmission débuta le 30 mai. Mais le 3 juin, alors que 81 fichiers avaient été reçus, l'ordinateur de Deep Space 1 tomba brièvement en panne et sa mémoire fut effacée. L'opération fut reprise depuis le début et s'acheva avec succès le 8 juin. S'ensuivit une période de tests approfondis, et leur réussite autorisa la remise en route du moteur ionique le 28 juin.

Cette échéance survenait quelques jours seulement avant la date limite permettant aux ingénieurs de la Nasa d’envoyer la sonde vers un nouvel objectif qu’elle n’atteindrait que l’année suivante : la comète Borreli.

Nous sommes maintenant à la veille de ce nouveau rendez-vous, et le moins que l’on puisse dire est que ce n’est pas gagné d’avance.

Tout d’abord, parce que la sonde ne dispose plus que d’un seul capteur : celui de la caméra scientifique. Or, pendant que celle-ci sera utilisée pour photographier le noyau de la comète, le système d’orientation ne pourra plus diriger la sonde, et éventuellement rétablir son orientation. Or, le noyau, que Deep Space 1 devrait approcher à moins de 2.000 km, est entouré d’un nuage de poussières parfaitement capables – on l’a vu lors du passage de Giotto à proximité de la comète de Halley – de la désorienter.

Une deuxième difficulté, qui n’est pas la moindre, sera de trouver le noyau. Car, complètement noyé dans les gaz formant la chevelure de l’astre, celui-ci n’est pas visible à distance, et à une distance de 230 millions de km de la Terre, là où les signaux radio mettent 25 minutes pour faire l’aller-retour, la sonde devra se débrouiller seule.

Le passage de Deep Space 1 à proximité du noyau cométaire devrait se produire le samedi 22 septembre prochain à 22h30 TU (dimanche 23 à 00h30 de Paris). Le suspense aussi sera au rendez-vous.

Article de Space News International

Samedi 22 septembre, la sonde révolutionnaire Deep Space 1 va effectuer une mission supplémentaire. La Nasa lui a ordonné d'effectuer un vol rapproché de la comète Borrelly, ceci afin d'obtenir des données complémentaires (notamment concernant la surface de la comète). La mission sera très périlleuse pour la sonde qui a de grandes chances de ne jamais sortir de cette rencontre. Deep Space 1 aura été un vrai succés et a démontré que le système de propulsion ionique de la sonde est utilisable pour voyager moins cher à des destinations plus lointaines.

Dimanche 24 septembre, ça y est ! Deep Space 1 a effectué sa mission de vol rapproché du samedi 22 septembre 2001. C'est la deuxième sonde humaine à se rapprocher aussi près d'une comète. Quand le sonde a commencé à transmettre des photos noir-et-blanc, la Nasa a explosé de joie. DS1 ne semble pas s'être dégradé et est déjà prête pour une ultime mission scientifique avant la coupure de transmission volontaire.

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